8 juillet 2019,
 0

À peu près tous les nouveaux propriétaires immobiliers ont entendu les histoires d’horreur de personnes ayant perdu une parcelle de terrain après des années d’occupation par un étranger. Encore pire, certains auront entendu la légende selon laquelle un individu se serait bâti sur un terrain ne lui appartenant pas et qu’après plusieurs années, il en est devenu le propriétaire, laissant le véritable titulaire dépouillé.

possession-prescription-acquisitive-conseils-juridiques-notaire

Ces histoires semblent pour le moins tirées par les cheveux, mais lorsqu’on connait les règles de la prescription acquisitive prévues par le Code civil du Québec, on se rend compte que ces histoires n’ont rien de farfelu. Ainsi, pour vous protéger d’une potentielle perte de superficie ou pour vous aider dans votre démarche de prescription du terrain d’un autre, nous vous présentions les principaux points de droit entourant les principes de possession et de prescription acquisitive dans notre système de droit civil!

 

Tout commence avec la possession!

Pour prescrire acquisitivement un bien, il faut d’abord commencer par en être le possesseur, tel que le requiert le Code civil du Québec. Cela est le cas que vous tentiez de prescrire un bien mobilier tels une voiture ou encore un bien immobilier tel un terrain. La différence que nous verrons plus loin est le délai à respecter pour compléter la prescription.

La prescription d’un bien, c’est quoi? Nous en verrons les caractéristiques plus en détail dans une section ultérieure, mais ce qu’il faut comprendre de la prescription est qu’il s’agit d’un moyen d’accéder à la propriété d’un bien mobilier ou immobilier par les effets de la possession.

Mais qu’est-ce que la possession d’un bien, concrètement? La possession, de façon simple, est l’exercice factuel de la propriété d’un bien accompagnée d’une volonté de se présenter au vu et su de tous comme étant le véritable propriétaire de ce bien. Notez bien que rien dans les exigences de la possession n’exige que la personne soit réellement le propriétaire. Voyez ce que le Code civil dit sur le sujet :

 

La possession est l’exercice de fait, par soi-même ou par l’intermédiaire d’une autre personne qui détient le bien, d’un droit réel dont on se veut titulaire.


Cette volonté est présumée. Si elle fait défaut, il y a détention.

 

Code civil du Québec

Article 921

 

Ainsi, toute personne agissant à titre de possesseur est présumée se présenter comme le véritable propriétaire du bien. Mais quels sont les éléments formant la possession? On compte deux éléments cumulatifs qui doivent être rencontrés pour retrouver une possession en bonne et due forme.

Corpus : Le corpus est l’emprise physique qu’une personne a sur un bien quelconque. Pour que la possession existe, vous devez donc avoir le bien en main ou exercer une emprise sur celui-ci. Dans le cas d’un terrain, vous devez donc utiliser celui-ci selon les us et coutumes d’un terrain, c’est-à-dire, en l’utilisant.

Toutefois, la loi prévoit que le corpus (l’emprise physique) peut prendre place par l’intermédiaire d’une tierce personne. Ainsi donc, un locataire louant votre maison pendant 10 ans qui agit comme si le terrain vacant adjacent au vôtre vous appartenait, cela pourrait théoriquement fonder une possession ouvrant la porte à la prescription acquisitive.

Le corpus est d’ailleurs la première chose à prouver lorsque l’on tente de fonder une prescription, mais également la plus facile à établir.

 

Animus : L’animus est un principe de droit et un élément factuel plus difficile à prouver en raison de son caractère fortement subjectif. L’animus se définit effectivement comme la volonté de se présenter au vu et su de tous comme le véritable propriétaire du bien. Ainsi, une personne qui a l’emprise matérielle d’un bien (le corpus), mais qui ne démontre aucune volonté de se présenter comme le véritable propriétaire ne détient pas le statut de possesseur, mais celui de détenteur.

C’est le cas notamment d’un locataire d’une maison : même s’il habite la demeure pendant le délai de 10 ans nécessaire pour prescrire, il ne deviendra jamais propriétaire par prescription, car il n’a jamais été possesseur et ne jouit donc pas des effets y étant rattachés.

possession-expliquee-corpus-animus-prescription

Les qualités nécessaires pour que la possession fasse effet! Si le corpus et l’animus sont les deux éléments cumulatifs formant la possession, l’exercice et la démonstration de ceux-ci doivent posséder certaines qualités. Sans la réunion de toutes ces qualités, la possession se trouve viciée et ne prend pas effet.

 

Paisible : La possession doit être entamée sans violence, c’est-à-dire, que l’entrée en possession ne doit pas être le produit d’un vol ou de quelconque acte illicite. À défaut d’une telle paisibilité, l’emprise sur le bien ne sera pas qualifiée de possession et ne mènera jamais à la prescription.

 

Public : Prendre un bien et le cacher dans la garde-robe en espérant que le propriétaire du bien ne s’en rende jamais compte ne saurait constituer une véritable possession. Ainsi donc, l’exercice de la possession doit se faire à la vue de tous ou du moins, selon l’exercice normal du bien en fonction de sa destination. (Par exemple, si vous tentez de prescrire un tableau, rien ne sert d’aller prendre une marche avec. L’accrocher sur le mur constituera une possession publique, car c’est l’usage que vous êtes censés faire du bien.

 

Continue : Il ne doit y avoir aucune interruption à la possession du possesseur. La dépossession peut prendre deux formes en droit : l’interruption naturelle ou l’interruption légale. La première est la perte du corpus ou de l’animus du bien; autrement dit, vous n’avec plus l’emprise matérielle du bien à prescrire. La seconde interruption survient lorsque le véritable propriétaire du bien signale le vice du titre du possesseur et qu’il se proclame véritable propriétaire. Cela doit se faire par l’entremise d’une procédure légale spécifique.

 

Sans équivoque : Lorsqu’un individu vous regarde, il ne doit y avoir nul doute quant à votre statut de possesseur du bien. Si un doute est soulevé en cour quant à votre statut de possesseur, il pourrait s’agir d’un statut équivoque qui ferait tomber la possession.

Seulement lorsque tous les éléments mentionnés ci-haut seront réunis aurons-nous une possession en bonne et due forme. Vous verrez que les règles de la prescription acquisitive dépendent de la possession. Ces mêmes règles varient en fonction du type de bien que vous tentez de prescrire, comme vous verrez dans une prochaine de section. Avant toute chose, voici la réponse à quelques zones grises du droit en matière de prescription acquisitive :

 

Mais qu’en est-il du voleur dans tout cela? Si vous lisez ces lignes en croyant qu’aller le bien d’un voisin pour en devenir propriétaire est une bonne idée, détrompez-vous! Le Code civil du Québec du vous a vu venir et stipule que :

 Le voleur, le receleur et le fraudeur ne peuvent invoquer les effets de la possession, mais leurs ayants cause, à quelque titre que ce soit, le peuvent s’ils ignoraient le vice.

 

Code civil du Québec

Article 927

 

Ainsi donc, le vol ne vous qualifie pas en tant que possesseur et, comme le stipule l’article, ne produit pas d’effet. Non seulement est-ce spécifié explicitement dans le Code, mais le vol contrevient aussi au principe de paisibilité exigé pour former la possession.

Le détenteur, quelle différence avec le possesseur? Nous avons parlé plus haut du statut légal de « détenteur ». Si ce terme est souvent galvaudé et utilisé de façon interchangeable avec celui de possesseur et de propriétaire, il a un sens bien différent au niveau légal et en ce qui a trait à la prescription acquisitive.

Le détenteur est en fait celui qui a l’emprise physique d’un bien, mais qui reconnait un domaine supérieur au sien. Le meilleur exemple est celui de locataire, encore une fois. Celui-ci, bien qu’habitant la maison de façon continue, paisible et sans équivoque, reconnaît, de par son statut de locataire et par le paiement d’un loyer, qu’une autre personne est le véritable propriétaire du bien.

Le propriétaire est celui qui a un domaine supérieur au locataire, et comme ce dernier reconnait ce statut, il n’y a pas de possession, mais bien une détention. De ce fait, la prescription acquisitive ne prend pas effet, car le Code civil prévoit expressément que le détenteur ne jouit pas des effets de la possession, tout comme le voleur.

delai-prescription-acquisitive-propriete-immobilier-quebec

L’interruption de la possession, quelle forme prend-elle et quels sont ses effets? Pour que la prescription acquisitive entre en jeu, il faut compléter les délais de possession prévus par le Code civil, et ce, de façon continue. Ces délais sont de 3 ans ou de 10 ans et doivent être atteints sans interruption.

Tel que mentionné plus haut, l’interruption peut se produire de façon naturelle par la perte de l’emprise sur le bien ou encore par une procédure civile entreprise par le prétendu véritable propriétaire du bien.

Quand débute le délai de prescription d’un bien? À la dépossession du propriétaire! Donc, en réalité, il n’est pas nécessaire de posséder un bien pendant la durée totale du délai pour le prescrire si le propriétaire a été dépossédé avant cela et que le total du temps de possession et de dépossession est égal au délai minimal prévu.

Vous aurez tôt fait de constater que la possession n’a rien de simple, au contraire! C’est un principe difficile à saisir et longuement débattu dans les cercles de droit et dans la jurisprudence!

Il est toutefois crucial que vous en saisissiez les bases en tant que propriétaire de maison, car c’est de cette façon que vous pourrez vous rende d’une possession entamée par un tiers sur l’un de vos biens ou encore que vous puissiez devenir vous-mêmes possesseurs et éventuellement propriétaire!

 

La bonne foi et la mauvaise foi : essentiels en matière de prescription acquisitive mobilière!

Vous pensez que le droit n’a aucune zone grise? C’est surement parce que vous n’êtes pas familiers avec les principes de bonne foi et de mauvaise foi! Ceux-ci sont en fait peu important dans un contexte de droit immobilier, puisqu’ils n’ont d’impact que pour la possession d’un bien mobilier et sur le délai de la prescription acquisitive qui s’en suit.

Avant de plonger là-dedans, mentionnons tout de suite la différence entre des biens meubles et immeubles. Les biens meubles sont simplement ceux qui se déplacent. Le Code élabore très peu en la matière, mais la jurisprudence, quant à elle, vient donner des critères plus spécifiques qu’il est inutile d’élaborer ici.

En contrepartie, les biens immeubles (ceux qui nous intéressent dans un contexte de droit immobilier), sont ceux qui ne se déplacent pas, tels que des fonds de terre ou des biens autrefois meubles devenus impossible à bouger.

Alors donc, qu’est-ce que la mauvaise foi à a voir dans tout cela?  Le Code prévoit que le possesseur de bonne foi d’un meuble peut prescrire de façon acquisitive un bien dans un délai de 3 ans, alors que celui qui est de mauvaise foi devra attendre un délai de 10 ans!

 Le possesseur de bonne foi d’un meuble en acquiert la propriété par trois ans à compter de la dépossession du propriétaire.

 

Code civil du Québec

Article 2919 al. 1

 

Le délai de prescription acquisitive est de 10 ans, s’il n’est autrement fixé par la loi.

 

Code civil du Québec

Article 2917 

 

De ces quelques lignes, on en ressort donc le principe que pour devenir propriétaire d’un bien mobilier en dedans de 3 ans, il faut agir de bonne foi. Selon la jurisprudence, cela implique non seulement de respecter les critères de la possession, mais également de suivre les règles explicites du Code et de tenter de retrouver le propriétaire du bien en question. Sans une pareille bonne foi, le délai s’allongera à 10 ans.

Cependant, le Code est clair à l’effet que cette bonne foi est seulement requise au moment de l’entrée en possession du possesseur. Elle peut donc tomber au cours de la possession. Ainsi, le possesseur qui apprend ne pas être le vrai propriétaire en cours de route n’est peut-être plus de bonne foi, mais cela n’affecte guère la durée du délai, puisque la bonne foi existait au début de la possession.

 

La prescription acquisitive immobilière

Nous voici rendus aux principes de prescription qui nous intéressent réellement; ceux de la prescription acquisitive immobilière. Nous avons établi dans la précédente section que la bonne foi ou la mauvaise foi influençaient le délai requis pour prescrire un bien. Bien que cela soit tout à fait véridique pour un bien mobilier, ce n’est pas tout à fait pertinent pour la prescription acquisitive immobilière, car dans tous les cas, le délai de prescription est de 10 ans.

Celui qui, pendant 10 ans, a possédé un immeuble à titre de propriétaire ne peut en acquérir la propriété qu’à la suite d’une demande en justice.

 

Code civil du Québec

Article 2918

 

Comment acquérir définitivement un terrain prescrit? Non seulement devez-vous écouler le délai de 10 ans, vous devez aussi effectuer une demande en justice auprès de la cour pour obtenir un jugement vous déclarant officiellement propriétaire. Sans ce jugement, vous ne serez pas le propriétaire en règle du terrain.

prescription-acquisitive-immobiliere-regles-delais

Cette formalité judiciaire est toutefois seulement exigée en matière de prescription immobilière! En effet, il n’est pas nécessaire d’aller en cour pour être déclaré propriétaire d’un bien mobilier suite à une possession; le simple écoulement du temps produit cet effet.

 

L’accession et l’empiètement : qu’arrive-t-il quand vous construisez chez le voisin?

Si les constructions qui empiètent chez le voisin ou qui se trouvent entièrement sur le terrain d’autrui peuvent sembler inconcevables dans l’esprit de plusieurs, c’est pourtant un phénomène plutôt commun! Ce genre de litige arrive très rarement dans des villes développées et dans des banlieues où les lignes de terrain sont clairement définies et où les municipalités surveillent de près les travaux. En effet, c’est plutôt dans les milieux ruraux où les terrains sont vastes et les lignes séparatives floues que ce genre de disputes surviennent.

Ainsi, qu’arrive-t-il si vous vous êtes construit chez le voisin? Ce sont les règles de l’accession immobilière qui entreront en jeu pour déterminer l’issu du scénario! Les règles de l’accession immobilière sont prévues dans le Livre des biens du Code civil du Québec et prévoient différents scénarios en fonction de la bonne foi du possesseur ou de sa mauvaise foi.

Également, les articles du Code font la distinction entre les améliorations utiles, nécessaires et d’agrément. La construction d’une maison ou d’un garage sur le terrain d’un autre, par exemple, est considérée comme une amélioration. En fonction de la bonne foi du possesseur, celui-ci aura droit au remboursement de certaines de ces améliorations. Il est peu pertinent de les élaborer ici en raison de l’important nombre d’issus possible, mais votre notaire se fera un plaisir de cerner votre situation particulière et d’y appliquer les principes de droit appropriés.

Quelle est la différence entre l’accession et l’empiètement? Les règles de l’accession s’appliquent lorsqu’une construction se situe complètement sur le terrain d’autrui.

Le propriétaire de bonne foi qui a bâti au-delà des limites de son fonds sur une parcelle de terrain qui appartient à autrui doit, au choix du propriétaire du fonds sur lequel il a empiété, soit acquérir cette parcelle en lui en payant la valeur, soit lui verser une indemnité pour la perte temporaire de l’usage de cette parcelle.

 Si l’empiétement est considérable, cause un préjudice sérieux ou est fait de mauvaise foi, le propriétaire du fonds qui le subit peut contraindre le constructeur soit à acquérir son immeuble et à lui en payer la valeur, soit à enlever les constructions et à remettre les lieux en l’état.

 

Code civil du Québec

Article 992

 

En revanche, les règles de l’empiètement s’appliquent lorsque la construction se trouve seulement en partie sur le terrain d’un autre. Comme le laisse entendre l’article du Code, l’issue d’une dispute d’empiètement se résout soit par le paiement d’une indemnité au propriétaire de la parcelle ou par l’acquisition de la parcelle elle-même.

De plus, si l’empiètement est « considérable », le propriétaire du fonds peut forcer le constructeur à acheter le terrain au complet ou encore le forcer à débâtir sa construction. Cela peut donc avoir de graves conséquences, surtout si vous venez d’ériger un nouveau garage de quelques dizaines de milliers de dollars.

Il faut également noter que l’article du Code fait de nouveau une distinction entre le propriétaire de bonne foi et celui de mauvaise foi! Cela aura encore un impact sur l’issu du litige!

 

Pris avec une dispute de prescription acquisitive? Demandez l’aide d’un notaire!

Le droit des biens, surtout celui de l’immobilier est une spécialité dans le monde du droit. Comme on traite ici avec des biens de très grande valeur, il vous faut recevoir des conseils de la part de professionnels qualifiés!

notaire-conseils-juridiques-droit-immobilier-quebec

Quoi de mieux que de faire affaire avec des notaires réputés dans le domaine de l’immobilier pour recevoir pareils conseils?

Pour ce faire, vous n’avez qu’à remplir le formulaire en bas de page pour être mis en contact avec des notaires de votre région du Québec!

N’attendez pas une seule seconde de plus pour recevoir vos conseils juridiques et contactez-nous sans tarder!